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Etude de cas à lire absolument

Parue le : 19/10/11
Rubrique : Juridique

Un étude de cas trés interessante sur le site droit-et-photographie.over-blog.com
lisez la, c'est instructif et mettez ce site dans vos favoris

Bonjour

Dans la lignée de l'article que je vous proposais la semaine dernière, voici un autre arrêt où il est question à la fois de modification de l'intégrité d'une œuvre, mais également d'originalité et d'étendue de cession.

Trois en un, donc, je ne pouvais pas passer à côté.

Les faits

Un photographe, qui disposait d'une carte d'accréditation permanente au stade d'Angers avait transmis au Club une série de 190 clichés réalisés lors d'un match du 28 janvier 2004, à l'occasion duquel avait notamment été tiré un feu d'artifice.

Les photographies transmises étaient accompagnées d'une grille de tarif, et de la mention Droits d'auteur inclus uniquement à usage interne au club, pour autres usages, me consulter.

Et bien sûr, je ne vous parlerais pas de cette affaire si cette mention avait été respectée.


Quelques mois plus tard, en effet, le photographe constatait qu'une campagne de promotion du Club de football d'Angers était proposée sur un photomontage dont le fond était - en partie - constitué d'une des photographies du fameux feu d'artifice du 28 janvier. Photo recadrée pour l'occasion, et non signée bien entendu. Il avait alors assigné le Club devant le Tribunal de Grande instance de Paris, de même d'ailleurs que la société qui s'était chargée de la campagne d'affichage.

Le Tribunal, par un jugement du 12 décembre 2006, avait débouté le photographe en considérant qu'il ne rapportait pas la preuve du caractère original de la photographie litigieuse.

Le photographe avait donc interjeté appel, ce qui nous vaut l'arrêt dont il est question aujourd'hui


L'arrêt du 15/10/2010



La Cour d'Appel de Paris, dans cet arrêt (RG 08/15606, CA Paris 15.12.2010, Pôle 5, 2ème ch.) divise sa motivation en plusieurs parties :



. sur l'originalité, tout d'abord, la Cour, après avoir rappelé les termes du Code de la Propriété intellectuelle, réforme le jugement du Tribunal de Grande instance en ces termes :

Considérant que le SCO d'Angers dénie vainement tout caractère original à la photographie litigieuse en soutenant que, dès lors que M. B. n'avait aucune maîtrise sur la composition et l'éclairage de l'objet de la photographie, tout photographe placé dans des conditions similaires aurait obtenu un résultat sensiblement identique à la photographie en cause ;
Considérant en effet, sauf à démontrer que la photographie litigieuse serait le résultat d'un procédé purement mécanique dépourvu de toute recherche et finalité esthétique, que le déclenchement de la prise de vue et le cadrage procèdent de choix esthétiques personnels en vue de capturer une image particulière et unique et reflétant la personnalité de son auteur ;

Considérant que l'appelant expose que le cliché en cause « conjugue des choix de cadrage, de composition, de ligne d'horizon par paliers, de même qu'une expertise technique liée à une recherche émotionnelle et scénographique »; qu'il décrit l'originalité de la photographie, qui n'aurait pas été prise en mode rafale, en expliquant son parti pris scénographique conjuguant une organisation de l'image et un traitement de la lumière laissant transparaître l'empreinte de sa personnalité; qu'il conclut avoir voulu « saisir la chronologie intégrale du feu dans son implosion finale, saisir la dichotomie ente la présence des silhouettes multiples, visibles au loin dans leur attroupement statique au sein des tribunes, et la présence isolée et pleinement participative de l'artificier accroupi »;
Considérant qu'il ressort ainsi des débats que la photographie résulte de choix personnels de l'auteur dans la captation d'un spectacle de la vie sportive portant l'empreinte de sa personnalité et que M. B. est en conséquence fondé à revendiquer la protection par le droit d'auteur ;



. sur l'existence d'une contrefaçon, ensuite, la Cour relève qu'AUCUNE pièce du dossier ne contient la preuve d'une cession de droits opérée au-delà d'un usage interne au club.


Or, par référence avec l'article L131-3 du CPI qui exige une mention distincte dans l'acte de cession, ainsi que sur base de la mention qui accompagnait les clichés à l'origine (pour autres usages, me contacter), la Cour considère qu'il y a bien contrefaçon.



Elle fait également peser la responsabilité de celle-ci à l'égard du photographe sur la société ayant réalisé la campagne d'affichage, en considérant que sa seule ignorance /…/ du caractère contrefaisant des affiches ne saurait l'exonérer de sa responsabilité; qu'ainsi, en reproduisant sous forme d'affiche la photographie en cause sans autorisation de son auteur, la société /…/ a commis des actes de contrefaçon.



. enfin, sur la question du préjudice, la Cour commence par rappeler les droits MORAUX de l'auteur, parmi lesquels le droit au respect de l'œuvre.


A ce sujet en effet, l'auteur faisait également reproche au Club d'avoir modifié l'image (recadrage partiel pour insertion en arrière-plan ainsi qu'un défaut de signature).


Le Club, quant à lui, se défendait en arguant de ce que la photographie n'avait pas fait l'objet de modification, mais avait été mise en arrière plan d'une affiche, dont l'élément moteur résidait uniquement dans l'image des joueurs se congratulant, et qui constituait l'avant-plan de l'affiche.



Peu sensible à cette argumentation, la Cour a fort heureusement jugé que le recadrage partiel et l'utilisation en arrière-plan de la photographie en cause a pour conséquence d'amputer l'œuvre de M. … de certains de ses éléments; qu'ainsi, en modifiant la photographie en cause, le SCO d'Angers a porté atteinte au droit moral de M. …; que de même, la seule utilisation tronquée de la photographie ne saurait justifier l'atteinte au droit à la paternité de l'auteur.



La Cour souligne ensuite que le droit moral de divulgation a également été violé.

Par la suite, se basant sur les données techniques de la campagne d'affichage (nombre et format des affiches), le préjudice patrimonial est évalué à 5.000 € pour l'ensemble des affiches, et le préjudice moral à 15.000 €. Par contre, la demande de photographe de publication de l'arrêt dans plusieurs quotidiens est rejetée.



En ce qui concerne les relations entre le Club de Football et la société ayant réalisé la campagne d'affichage, le premier fut condamné à garantir la seconde des conséquences financière de l'arrêt, puisqu'il appartenait au Club de ne fournir à l'Agence que des photographies sur lesquelles il disposait des droits requis. A l'égard du photographe, par contre, le Club et l'Agence sont condamnés solidairement.



Qu'en penser



Voici une affaire étonnante, où pour justifier de l'utilisation d'une atteinte au droit à la paternité de son auteur, le contrefacteur invoque le fait que la photographie a été tronquée : j'ai utilisé votre photo sans indiquer votre nom, mais cela n'est pas grave, puisque de toute façon ce n'était qu'une partie de la photo !!. Etonnante justification à l'égard de laquelle il est heureux que la Cour n'ait pas été dupe…



Etonnant, l'arrêt l'est aussi à un autre titre, puisque pour une fois, l'indemnisation des dommages moraux est de loin supérieure à celle des dommages patrimoniaux.



L'affiche avait en effet été utilisée sur de multiples supports :
. 96 affiches de 99x83 cm sur les bus d'Angers pendant 1 semaine
. 48 panneaux de 3x4 m à Angers pendant 6 jours
. 24 panneaux de 3x4m à Cholet pendant près d'1 mois



Et ces utilisations débouchent sur une condamnation à une somme de 5.000 €. Même si je n'ai pas le temps de vérifier cela à l'instant, il me semble que les barèmes UPP aboutiraient à une cession de droits nettement plus élevée.



Les droits moraux de respect de la paternité, de l'intégrité de l'œuvre et du droit de divulgation donnent lieu quant à eux à une condamnation 3 fois plus importante.



Cela étant, pour une fois que l'on reconnaît aux droits moraux de l'auteur une place prépondérante, je serais également malvenue de m'en plaindre. Mais ceci ne remplira pas le frigo du photographe, qui de surcroît avait droit à l'aide juridictionnelle, preuve s'il en fallait encore qu'il ne vit sûrement pas confortablement de son art..



Voilà donc pour aujourd'hui.



A bientôt

Ne ratez pas, sous ma signature, le commentaire de Didier Vereeck



Joëlle









Commentaire de Didier Vereeck



Je trouve également ce jugement rassurant, même s'il faut rappeler qu'en première instance, le photographe avait été débouté : cela devient une habitude, il faut aller en appel pour faire valoir l'originalité.



Au sujet de l'originalité, la Cour laisse entendre avant de détailler davantage que le fait de déclencher est en soi un choix, voilà donc que la justice reconnaît la notion d'instant décisif.



Mais, ensuite, la Cour semble éprouver le besoin de justifier davantage en la détaillant la notion d'originalité.



Les détails que donnent la Cour m'inspirent une double réflexion : d'une part, la notion d'originalité est comme toujours LA chose à démontrer lors d'un procès, d'autre part, vu le luxe de détails concernant les éléments de réflexion préalables à une unique photographie d'un moment prévisible mais bref, on en conclut que l'expertise du photographe peut se manifester dans un seul déclenchement lors d'un événement banal.



Bien sûr on le sait, mais la démonstration juridique est importante.



Si on suit la Cour et qu'on généralise quelque peu, on en vient à distinguer la bonne photo, qui comporte une empreinte originale, de la photo réussie mais banale, et bien entendu c'est la raison pour laquelle cette photo a été choisie et pas une autre : même si deux photos sont comparables (les photos de feux d'artifice ne se ressemblent-elles pas ?), l'une d'elle attire davantage l'attention, et est choisie par le client, en raison de son originalité au sens « d'empreinte du photographe », et non au sens de « photo unique que personne d'autre n'a pu faire ».



J'en tire la conclusion que la vraie originalité n'est pas dans le fait de faire une photo originale, mais dans le fait d'opérer des choix personnels liés autant à l'expérience qu'à la sensibilité.



Jusqu'à présent, je ne m'étais pas rendu compte du point auquel la définition juridique de l'originalité était judicieuse : une photo qui porte l'empreinte de son auteur sera originale, même si elle pâtit d'une certaine banalité, alors qu'une photo exceptionnelle prise par hasard (sans que ce hasard ne relève d'un choix artistique) ne le sera pas.



La justice distingue donc clairement l'original et l'exceptionnel, alors que le langage courant tend à les confondre. Notons que selon la théorie de l'information de Shannon et Weaver, quelque chose d'exceptionnel est quelque chose de nouveau, qui n'est pas arrivé auparavant, donc pas prévisible, et donc… une information.



L'originalité est un commentaire sur cette information. Et, paradoxe, l'originalité est prévisible pour une part (elle découle de divers processus) mais imprévisible dans sa teneur (la fameuse empreinte du photographe) alors que l'information n'est pas prévisible dans son occurrence (elle se produit, ou pas, on ne sait pas quand) mais prévisible dans sa teneur (les différents éléments qui composent une information sont connus).



On n'est pas sur le même niveau de logique : l'exceptionnel est l'enregistrement fortuit d'un fait ou événement situé dans une séquence de nature physique, l'originalité est le résultat non prévisible d'un ensemble de processus mentaux, propres à l'homme donc, opérant sur le niveau physique par des choix.



Les juges, et ici la Cour, le rappellent à chaque fois en notant le caractère non automatique de la photo, qui est un processus et non pas seulement un acte final : l'important est le processus (le résultat est plus ou moins bon); s'il y a automate (piège photographique), sera mis en avant la préparation : pour toute photo originale, il y a préparation, ne fut-ce que par le back-ground de son auteur.


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